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Aimons la Tunisie
1 mars 2013

La politique politicienne à la loft story

Publié par Webmanager Center

Par Amel Belhadj Ali

Lundi 25 février, l’ASECTU (Association des économistes tunisiens) a, dans un communiqué, rappelé à beaucoup qui l’ont oublié «que la révolution tunisienne a commencé par un soulèvement populaire pacifique porté par l’aspiration à la dignité, à la justice sociale et à la liberté et par le rejet de la corruption et du népotisme… Un soulèvement nourri du chômage des jeunes diplômés, des disparités régionales, de l’accroissement de la pauvreté et de la marginalisation dans les régions intérieures et les quartiers populaires des grandes villes».

Sur les plateaux de télévision aux heures de grande écoute, il est ahurissant de voir à quel point le politique supplante l’économique et même le social. Alors que l’on y voit les mêmes  figures qui se relayent d’une télévision à une autre n’offrant aux téléspectateurs désabusés ni projet de reconstruction du pays ni valeurs et encore moins une vision. Chaque soirée apporte son lot de querelles, d’accusations et d’informations peu crédibles et presque mensongères.

Deux ans après, les disparités entre les régions ont empiré avec en plus la haine et un régionalisme exacerbé  conjugué à l’insécurité, la violence et la détérioration des services publics. La lutte des classes s’est aggravée et les moins nantis dévisagent les plus nantis avec envie, convoitise et suspicion, l’air de dire «qui avez-vous dépouillé pour être ce que vous êtes aujourd’hui?», et cerise sur le gâteau, la Tunisie, pour la première fois depuis 14 siècles commence à se poser la question, qui suis-je? Serais-je musulmane? Agnostique? Laïque? Pratiquante? Mécréante?

Il en est ainsi aujourd’hui d’une Tunisie touchée de plain fouet par un printemps arabe défendu par l’éminence US qui avait estimé qu’elle savait mieux que nous tous ce qui nous sied le mieux et le plus: «un régime islamiste modéré à l’instar de celui sévissant dans le royaume wahhabite (sic)». Quelle générosité!

Au football, télévisions et téléspectateurs ont substitué le politique sans être dans le politiquement correct. Sur les plateaux, les adversaires politiques placés les uns en face des autres rappellent dans leurs configurations les terrains de football. Le ton est donné par l’animateur tel un arbitre sifflant le démarrage du match. «Les temps que nous vivons aujourd’hui sont éminemment politiques. Pour les télévisions, le créneau politique est forcément plus porteur que les champs économique et social et dans lesquels les discussions transcendent les formations politiques parce qu’il n’y a plus des rivaux qui s’affrontent mais plutôt des experts qui s’accordent autour d’un même consensus. Des économistes, journalistes ou sociologues qui émettent les mêmes diagnostics et exposent les mêmes problèmes», explique Hassen Zargouni de Sigma Conseil.

«L’azzouza hezha el Oued w hia tkoul il am saba» (La vieille dame est emportée par le courant et elle clame, c’est une année de grandes récoltes)

Plus les discussions politiques se font burlesques, médiocres et presque stériles, plus elles séduisent. C’est de la téléréalité vulgaire catégorie politique, et pour cause, les téléspectateurs ont même droit à des disputes et des insultes en direct. Du pur bonheur frôlant le plaisir pour ceux qui ont été pendant longtemps privés de débats politiques crus mais aussi un danger parce que les véritables maux du pays y sont écartés: «Je suis interloqué, dénonce Sami Remadi de l’Association tunisienne de transparence financière. Nous courons à la catastrophe, le gouvernement est en train de discuter la possibilité de lever la compensation sur certains produits de grande consommation. Ce qui pourrait fragiliser encore plus les classes modestes et moyennes qui n’arrivent plus à supporter la cherté de la vie et nous sommes là chaque soir à entendre des politiciens débitant un nombre faramineux de mensonges sur un bien-être économique imaginaire».

Sami Remadi déplore tout autant l’absence d’émissions et d’informations dans les médias audiovisuels sur l’état de délabrement de l’administration tunisienne, la situation du secteur de la santé, les hôpitaux en manque d’entretien et les médicaments absents du marché. «Comment fait-on pour éviter de parler des dangers que peuvent entraîner les dépôts d’ordures sis en pleine nature, les hôpitaux en manque d’hygiène, des taxes de plus en plus élevées et d’autres qui apparaissent comme par miracle? Comment fait-on pour ne pas dénoncer le malaise social qui sévit dans le pays, tous ces criminels graciés sans programmes de réinsertion qui menacent la sécurité d’honnêtes citoyens? Comment fait-on pour ne pas aborder des thèmes importants pour la stabilité du pays telle la réconciliation de notre police nationale avec le peuple et la réhabilitation de sa dignité et de son autorité? On discute rarement de corruption, on parle moins de paix sociale et encore moins des centaines de nominations aux postes administratifs…».

De tels propos confortent de plus en plus ceux qui crient aux manœuvres de diversion devenues monnaie courante à chaque fois qu’un fait important arrive dans le pays. On assassine Chokri Belaïd et on braille à la légitimité de la Constituante dénonçant par force démonstrations de rues et s’excitant à propos des déclarations de Manuel Valls, ministre français de l’Intérieur. On appelle à la neutralité des ministères de souveraineté et en un clin d’œil, un projet est tout prêt de proposition pour une loi organique appelée «loi pour la protection de la révolution», pour prétendument protéger le pays des compétences ayant appartenu à la «nomenklatura» de l’ancien régime…

On crie à la cherté de la vie et l’appauvrissement de la population, et voilà qu’on se présente avec un projet très porteur, celui des Tuk-tuk… On dénonce la politisation des mosquées, et voilà qu’un prêcheur venu d’ailleurs se présente pour une nouvelle conquête islamique de la Tunisie…

Autant de pratiques de diversion qui devraient être mises à nues par tous les médias télévisés. Médias qui négligent l’importance de l’économique et du social. Car même si Hassen Zargouni insiste sur le rôle de la télévision publique dans la valorisation des programmes socio-économiques, il n’en reste pas moins que les télévisions privées seront les premières à souffrir de l’effondrement de l’économie, elles qui vivent des annonceurs.

Ces télévisions ont le devoir d’élaborer dans le cadre de leurs programmes des émissions de sensibilisation, portant sur l’importance de la culture du travail, de la préservation des biens sociaux et des entreprises pour protéger les postes d’emplois et surtout des émissions à haute portée pédagogique pour vulgariser au Tunisien lambda l’incidence de toute décision économique sur sa vie au quotidien. Lui expliquer dans un langage simple, ce qu’est l’inflation, la compensation, l’investissement créateur de richesse et son importance dans la création de l’emploi, le manque de devises et leur impact sur l’importation des biens de consommation courante et bien d’autres concepts qui l’aideraient à mieux comprendre son ordinaire et comment réagir aux imprévus.

Aujourd’hui, nous sommes dans la politique politicienne à la loft story avec les beaux plans en moins, sans vision et sans projet. Le citoyen, lui, a besoin de réponses concrètes à des problèmes concrets. Il serait pertinent que dans cette phase de transition, les télévisions fassent un peu de militantisme social et économique quitte à y ajouter une note de sensationnel plutôt que de se limiter à des représentations politiques dans lesquelles jouent les mêmes acteurs, qui répètent les mêmes paroles et ne changent même pas de personnages. Arrêtons ce football politique où le socio-économique est toujours mis en hors jeu.

 

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